CDM du 4 juin : 11 textes adoptés, sauvetage de la Poste, calendrier des législatives et locales au menu !

Cinq jours après le précédent Conseil, Brice Clotaire Oligui Nguema a présidé, ce 4 juin, le troisième Conseil des ministres de la Ve République, le huitième de l’année 2025. Il s’est tenu au Palais présidentiel et s’est ouvert à 10 heures précises. La séance a été introduite par un rappel solennel du chef de l’État sur les priorités de sa gouvernance : la refondation républicaine, la moralisation de la vie publique et la souveraineté économique du Gabon. Dans un ton ferme, il a réaffirmé que l’heure n’était plus aux compromis, mais à la rigueur et à l’efficacité.

À l’ordre du jour figuraient des textes majeurs sur la structuration de l’économie, la réorganisation du paysage politique, la réforme électorale, la décentralisation, la gouvernance militaire, ainsi que la dénonciation d’accords économiques jugés déséquilibrés. En tout, le Conseil a validé neuf projets de loi, deux projets de décret, trois communications gouvernementales, et procédé à de nombreuses nominations dans plusieurs ministères. Une session dense, symbole d’un pouvoir exécutif mobilisé pour imprimer un rythme accéléré à l’agenda
Cinq fonds stratégiques pour réorienter l’économie nationale
Le Conseil des ministres a adopté cinq projets de loi majeurs portant création de fonds stratégiques publics, instruments financiers destinés à soutenir des secteurs considérés comme névralgiques pour le développement du pays. Il s’agit du Fonds national de développement agricole (FNDA), du Fonds pour l’énergie et l’eau (FEE), du Fonds gabonais pour l’habitat et le logement (FGHL), du Fonds national pour les infrastructures (FNI) et du Fonds stratégique pour le développement de la pêche et de l’aquaculture (FSDPA).
Les principales mesures prises ce 4 juin :
Catégorie | Titre / Intitulé | Détails |
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Lois adoptées (9) | Création de 5 Fonds stratégiques | FNDA, FEE, FGHL, FNI, FSDPA : financements pour agriculture, énergie/eau, habitat, infrastructures, pêche et aquaculture. |
Loi sur les partis politiques | Représentativité requise (9 000 adhérents), obligation de participation, contrôle des financements, accès encadré aux médias. | |
Loi sur la répartition des sièges des parlementaires | 145 députés, 70 sénateurs. Intégration des Gabonais de l’étranger (8 sièges). | |
Décrets adoptés (2) | Convocation du collège électoral | Élections prévues les 27 septembre (1er tour) et 11 octobre 2025 (2nd tour). Campagnes du 17 au 26 septembre et du 1er au 10 octobre. |
Commandement des opérations des Forces de défense | Gendarmerie en temps de paix, État-major général des armées en temps de guerre. | |
Communications (3) | Redéfinition du PIB | Intégration des actifs naturels (forêts, carbone, halieutique) dans les indicateurs macroéconomiques. |
Décentralisation | Réunion de la CND les 17-18 juin. Transfert des compétences, activation du Fonds de péréquation. | |
Situation de La Poste S.A. | Audit, restructuration, mécanisme de défaisance, accompagnement social. | |
Mesure diplomatique | Dénonciation de l’accord de pêche avec l’UE | Application de l’article 13 de l’accord. Projet de filière thonière nationale en remplacement. |
Partenariat stratégique | Nomination de Rothschild & Cie et Algest comme conseillers financiers | Appui à la stratégie économique, relance, mobilisation de ressources, négociations avec bailleurs. |
« Ces textes posent les bases juridiques, institutionnelles et financières de ces instruments, en précisant leurs missions, leurs modalités d’intervention, ainsi que les mécanismes de gouvernance, de transparence et d’évaluation », précise le communiqué officiel. Chaque fonds sera doté d’un conseil d’administration, d’un comité d’orientation stratégique, d’un administrateur général et d’une agence comptable. Ils auront pour mission de catalyser les investissements publics et privés, de structurer les filières locales, de créer de l’emploi et d’accélérer la transition économique du pays.
Réforme des partis politiques : pour un paysage partisan plus crédible
Répondant aux attentes exprimées lors du Dialogue national inclusif, le Conseil a adopté un projet de loi sur les partis politiques visant à rationaliser et assainir le champ politique national. Le texte impose désormais un seuil minimum de 9 000 adhérents au lieu des 18 000 précédemment annoncés, répartis dans les neuf provinces, oblige la participation effective à deux scrutins consécutifs, et encadre de manière rigoureuse les financements, placés sous le contrôle de la Cour des comptes.
« Il ne s’agit nullement de restreindre les libertés, mais de restaurer la valeur, la responsabilité et la légitimité de l’action politique dans notre République », a souligné le président. Un délai de six mois est accordé aux formations existantes pour se conformer à la nouvelle législation, faute de quoi elles seront suspendues, puis radiées. Le texte consacre aussi le principe de pluralisme à travers un accès équitable aux médias publics et la reconnaissance de partis représentatifs consultables par le président de la République.
Nouvelle carte électorale et calendrier des scrutins
Le Conseil a validé une réforme complète de la carte parlementaire par l’adoption d’un projet de loi fixant à 145 le nombre de députés et à 70 celui des sénateurs, contre respectivement 120 et 52 précédemment. Pour la première fois, les Gabonais de l’étranger bénéficieront d’une représentation à l’Assemblée nationale, avec deux sièges attribués aux grandes zones géographiques : Afrique, Europe, Amérique et Asie.
En complément, un décret fixe les dates des élections législatives et locales. Le collège électoral est convoqué pour le 27 septembre 2025 (premier tour) et 11 octobre (second tour). La campagne pour le premier tour débutera le 17 septembre et s’achèvera le 26 septembre , tandis que celle du second tour se tiendra du 1er au 10 octobre. « Le scrutin est ouvert à 7 heures et clos à 18 heures », précise le décret. Ces mesures visent à mieux refléter les dynamiques démographiques et territoriales dans la représentation politique.
Réorganisation du commandement militaire : clarification en temps de paix et de guerre
Le Conseil a adopté un décret précisant la chaîne de commandement des opérations militaires. En temps de paix, le commandement des opérations de sécurisation du territoire revient au Commandant en chef de la Gendarmerie nationale. En revanche, en cas de crise ou de guerre, ce rôle revient au Chef d’état-major général des Forces armées
Ce texte vise à harmoniser les responsabilités opérationnelles au sein des forces de défense et de sécurité, conformément à la loi n°04/98 du 20 février 1998. « Le présent projet de décret [...] précise qui en prend le commandement en temps de paix et en temps de guerre », indique le communiqué final. Il s’agit de renforcer la réactivité et la coordination entre les différentes composantes de la défense nationale.
Souveraineté halieutique : l’accord de pêche avec l’UE dénoncé
Estimant l’accord de partenariat de pêche avec l’Union européenne « profondément déséquilibré », le président de la République a instruit sa dénonciation unilatérale, via notification à la Commission européenne. Signé en 2007 et renouvelé jusqu’en 2027, cet accord permettait à des flottes européennes d’exploiter les ressources marines gabonaises moyennant une compensation financière jugée insuffisante.
« Les recettes issues de cet accord ne compensent ni la valeur réelle des captures, ni les coûts assumés par l’État [...], ni les pertes de valeur ajoutée dues à l’absence de transformation locale », dénonce le chef de l’État. La priorité est désormais de bâtir une filière thonière nationale, avec des infrastructures adaptées (zones de débarquement, unités de transformation, chantiers navals), créatrice d’emplois et porteuse de souveraineté alimentaire.
Redéfinition du PIB pour mieux valoriser le capital naturel
Le président a pointé du doigt une sous-évaluation structurelle du PIB gabonais , qui ne prend pas en compte le potentiel économique réel du pays. Forêts, crédits carbones, ressources halieutiques : autant d’actifs stratégiques absents des agrégats économiques actuels. Il a ainsi chargé le ministre de l’Économie d’élaborer, avec les partenaires techniques, une méthodologie d’intégration de ces actifs.
« Cette réforme permettra de refléter la valeur réelle des actifs du pays, de renforcer sa crédibilité financière et de mieux positionner le Gabon dans les négociations internationales », indique le communiqué. Ce travail pourrait également améliorer la notation souveraine du Gabon sur les marchés financiers et renforcer l’attractivité économique du pays.
Rothschild et Algest : nouveaux conseillers financiers de l’État
Le gouvernement a officialisé le recrutement des banques Rothschild & Cie et Algest comme conseillers stratégiques et financiers de la République gabonaise. Leur rôle consistera à accompagner l’État dans la formulation de sa stratégie économique, la mobilisation de ressources pour financer la croissance, et la conduite des négociations avec les partenaires internationaux.
« Leur mission s’effectuera en lien étroit avec les équipes techniques de l’État, avec un reporting régulier destiné à éclairer la prise de décision gouvernementale », précise le communiqué. Il s’agit là d’un tournant dans la gestion de la politique économique, en confiant à des institutions reconnues un appui dans la restructuration de la dette, la conception de plans d’investissement et la diversification de l’économie.
Décentralisation : le chantier entre en phase opérationnelle
Le Conseil a pris acte de la tenue prochaine de la première réunion de la Commission nationale de la décentralisation (CND), prévue à Libreville les 17 et 18 juin. Organe stratégique chargé de piloter le transfert progressif des compétences de l’État vers les collectivités locales, la CND se réunira pour valider un plan national de transfert des compétences.
« Cette étape marque une avancée significative dans le processus de décentralisation », estime le gouvernement. Elle sera suivie de l’activation du Fonds de péréquation, de la tenue de commissions provinciales, de missions de vulgarisation, et d’un système d’évaluation permanent assuré par le Centre de suivi et d’évaluation. C’est une nouvelle architecture institutionnelle du territoire qui se dessine.
La poste au bord du gouffre : l’État impose un plan de sauvetage
La situation de La Poste SA, entreprise publique historiquement ancrée dans le quotidien des Gabonais, a été qualifiée de critique par le Conseil. Les audits récents font état d’une gestion chaotique : masse salariale ingérable, absence de recettes, primes illégales, gouvernance opaque. L’État ne parvient plus à couvrir les salaires depuis juin 2025.
« Le Conseil a approuvé la mise en œuvre des quatre mesures urgentes notamment un audit externe indépendant, un plan de restructuration incluant des départs volontaires, un mécanisme de défaisance [...] et un accompagnement social préventif », énumère le communiqué. Objectif : préserver les emplois, rétablir la viabilité financière de l’établissement, et éviter une explosion sociale imminente.
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